Roméo & Juliet Mise en scène Vincianne Regattieri Compagnie Magnus Casalibus
Prix du Jury Festival d’Angers 2012
L’œuvre de Shakespeare ne prend pas une ride, mieux elle s’adapte sans difficulté au monde contemporain. Pour preuve l’interprétation de la troupe Magnus Casalibus présentée hier soir sur les planches du Plessis-Macé. Une version très punk rock, bestiale, et surtout un retour aux sources puisque cette version est entièrement jouée par des hommes.
Roméo et Juliet version rock de la troupe Magnus Casalibus
Roméo et Juliet version rock de la troupe Magnus Casalibus
Les observateurs l’auront remarqué, Juliet s’écrit au masculin », déclarait hier soir Nicolas Briançon en présentant l’interprétation de la troupe Magnus Casalibus de Roméo et Juliet. Entièrement jouée par des jeunes hommes au physique androgyne cette pièce n’est pas une ode à l’homosexualité, mais un retour aux sources du théâtre Élisabéthain où le rôle des femmes était tenu par des hommes.
Roméo et Juliet, version Magnus Casalibus, c’est presque un opéra rock et autant le dire tout de suite ça décoiffe, tant dans la bande son dans laquelle on retrouve beaucoup musiques de groupes anglais des années 70, à l’exemple de Pink Floyd, mais aussi des comédiens, danseurs et chanteurs qui n’hésitent pas à se déplacer dans la foule, pour interpeller directement les spectateurs.
Roméo et Juliet, ça ne se regarde pas, ça se vit et ça s’écoute, tantôt tragique, tantôt burlesque avec quelques phrases à deux balles sorties tout droit de la chanson populaire. « Donne-moi ta main », dit un comédien, « et prend la mienne », lui répond l’autre. Ça fait rire dans les gradins et ça détend l’atmosphère.
Pour le reste, même si l’interprétation reste assez libre et si les personnages viennent tout droit du registre du mouvement contestataire britannique « punk », l’histoire est la même que dans la version d’origine. Roméo et Juliet vont lutter, contre leur famille respective, pour avoir le droit de s’aimer, mais cette fois aux delà des sexes et des conventions sociales, avant de mourir et de se retrouver dans l’au-delà, pour l’éternité.
Pour donner encore plus de bestialité à cette pièce, très « mâle », où tout se joue dans l’expression corporelle, les décors sont inexistants. De fly-case à roulettes et de portes cintres sur lesquels sont disposés les vêtements des comédiens permettent d’embarquer le spectateur jusque dans les coulisses. On s’habille et on s’exhibe sur scène en totale liberté, dans une partition totalement ouverte, les acteurs jouant sur scène comme ils pourraient le faire sur le trottoir d’un quartier populaire de Londres ou d’ailleurs.
Les costumes, les masques et les lumières révèlent progressivement le caractère et la force des différents personnages, jusqu’au crépuscule décisif lorsque les deux principaux protagonistes, meurent dans un amas de caisse et de ferraille que vient coiffée une guirlande lumineuse.
L’atmosphère est parfois sordide, mais ne dénature pas cette œuvre shakespearienne, bien au contraire. Bien dans son époque cette jeune troupe totalement débridée se donne sans compter, osant les artifices les plus déroutants et quelques pirouettes acrobatiques assorties de belles tirades burlesques. »
Échappant de justesse à la pluie pendant toute sa durée, le Festival d’Anjou a clôturé hier soir sa 63e édition en attribuant des prix aux compagnies qui se sont illustrées sur la scène du Plessis-Macé (Angers), cette dernière semaine. Considéré comme la révélation de ce festival, c’est la troupe Magnus Casalibus qui empoche le premier prix.
Véritable révélation du Festival d’Anjou, Roméo & Juliet emporte tout naturellement le premier prix du concours des compagniesAlors que le festival d’Anjou est plutôt très classique, avec peut être trop d’interprétations de Molière et Shakespeare, aux yeux de amateurs de théâtre contemporain, c’est tout de même « Roméo & Juliet » une reprise du dramaturge britannique qui a séduit le jury des professionnels et remporte le premier prix très convoité de ce festival.
La version rock présentée par la compagnie Magnus Casalibus, à la limite de la comédie musicale, n’est pas passée inaperçue. Véritable coup de cœur de cette 63e édition du festival d’Anjou, lequel ne présentait de création propre, ce véritable spectacle a soufflé un véritable coup de jeune sur ce festival soixantenaire et d’aucuns aimeraient qu’il y ait plus de présentations de ce style.Dès vendredi soir, alors que « les chaises » d’Eugène Ionesco venaient de se terminer, pièce pour laquelle la comédienne sourde de la compagnie du 3e œil, Monica Companys, obtient le prix d’interprétation (1000 €), les paris allaient bon train en faveur de la compagnie Magnus Casalibus et son incroyable Roméo & Juliet.Les jeunes comédiens, danseurs et acrobates de Magnus Casalibus empochent la coquette somme de 20 000 € laquelle devrait leur permettre de monter un nouveau spectacle a présenter lors d’une prochaine édition du Festival d’Anjou. Yannick Rousseau
Rostam et Sôhrab mise en scène Farid Paya Compagnie du Lierre
« Pour conserver l’esprit du poème, monophonique, Farid Paya ouvre son texte avec un narrateur-chanteur seul en scène ( Guillaume Caubel). Sur la scène presque nue, essentiellement éclairée par les dorures des étoffes, ce dernier situe l’intrigue dans l’histoire millénaire de la Perse. Le spectateur est plongé au cœur de l’une des mille et une nuits de Shéhérazade… Très vite, la pièce s’accélère, cadencée par la langue versifiée de Farid Paya, les chants a cappella des comédiens et leur gestuelle très travaillée. »
Les Trois Coups
« La mise en scène, très belle esthétiquement (costumes chamarrés, toile de soie tissée en fond de scène), laisse le plateau nu, qui devient le lieu de combats de kung-fu magnifiquement réglés. Les comédiens adoptent une gestuelle qui rappelle les miniatures persanes. On retrouve le beau travail vocal cher à la Compagnie du Lierre »
Télérama
« Une véritable saga, une épopée où il n’y a pas une seule baisse de tension. Ce texte que vous avez traduit est tellement poétique. C’est rythmé du début jusqu’à la fin. Vous êtes un de ces rares metteurs en scène qui savent raconter des contes pendant deux heures et nous passionner. On ne s’ennuie pas un moment.
Il se passe de tout sur scène : ils dansent, il y a des arts martiaux. On est épatés par les huit acteurs, tous Français, qui chantent la musique quasiment iranienne de votre compagnon de musique Bill Mahder
Un spectacle fait pour tous les ages. Il y avait des enfants à côté de moi, qui totalement pris demandaient : « qu’est-ce qui va se passer, maman ? », et cela au milieu des cascades, de la musique, de la danse.
Vincent Bernard en jouant Sohrâb, un enfant de cinq ans, est étonnant. C’est un acteur qui a beaucoup d’avenir comme tous dans la Compagnie. Signalons aussi la performance de David Weiss, un Rostam dur et invincible, il est sûr qu’il va gagner mais il est tellement bouleversant d’humanité. Citons aussi Guillaume Caubel qui a une voix magnifique, Marion Denys, Xavier Gauthier, Thibault Pinson, Jean-Matthieu Hulin et Cédric Burgle. »
France Culture Marcel Quillevéré
« Rostam etSohrâb », d’après Ferdowsi
L’art du conteur
Une épopée iranienne
Farid Paya est un homme de théâtre qui a toujours aimé raconter des histoires en mêlant les mots et la musique. Il nous conduit du côté du pays de ses origines, l’Iran.
UN PLA TEAU dégagé, quèlques marches au centre, un grand pan- neau décoratif. De très beaux cos- tumes, des lumières flatteuses, de la musique spécialement composée par Bill Mander et du chant. On re- trouve dans ce spectacle de Farid Paya tout ce qui a fait l’originalité de son esthétique, de sa manière de saisir le théâtre pour raconter des histoires. Il avait fait, dans un lieu modeste du 13e arrondissement, un foyer original. Des années durant, il a animé cet espace, il a formé un pu- blic. Et puis, d’un trait de plume, le théâtre du a disparu. « Ros- tam et Sohrâb » marque le retour d’un artiste tourné vers le public. Farid Paya a puisé dans une œuvre issue de son pays, l’Iran, une épo- pée très connue au Moyen-Orient et jusqu’en Asie : « le Livre des rois » (« Shâh-Nâmeh »), du poète Ferdowsi, qui a transcrit il y a dix siècles la mythologie iranienne
en une œuvre de 120 DOO vers. L’épisode qui nous est narré parle de la naissance particulière d’un jeune héros fabuleux, qui, à 5 ans, est déjà un colosse. En quête de son père, il le combat sans le connaître. Le monde de Rostam et Sohrâb est un monde de guerriers, mais la seule femme du spectacle, Marion Denys, impose sa belle personnalité. Dans les rôles-titres, David Weiss et Vin- cent Bernard sont athlétiques et nuancés. Le narrateur, Guillaume Caubel, possède une présence forte, et leurs camarades Cédric Burgle, Xavier-Valéry Gauthier, Jean-Ma- thieu Hulin, Thibault Pinson défendent le récit avec une énergie bien réglée, en mouvements chorégraphiés et combats acrobatiques. C’est simple, beau comme un conte. »
Magazine du Médecin